La fable de l’incomplétude

Le vicomte Médard s’en va en guerre contre les Turcs. C’est son premier combat mais aussi sa dernière bataille. Le voici soudainement pourfendu, coupé en deux par un boulet de canon. La moitié droite par chance survit. Ainsi Médard s’en retourne au pays.

Mais cette moitié droite incarne le mal. Cette calamité qui – veut nous dire Calvino – se trouve en toute chose à part égale du bien. Médard de retour sur ses terres, fait preuve de la plus terrible méchanceté, tuant à la chaîne, coupant en deux tout ce qui se trouve sur son chemin et inventant des stratagèmes de meurtres dignes d’un Guillotin.

« C’était une machine tellement grande et d’une telle ingéniosité qu’on pouvait pendre en même temps un nombre de personnes supérieur à celui des condamnés, si bien que le vicomte en profita pour pendre dix chats, alternant un chat et deux hommes. » 

Le vicomte pourfendu fait régner la terreur au cœur de la seigneurie jusqu’au jour où sa moitié gauche rentre à son tour de guerre, confrontant ainsi le mal au bien. Mais, et c’est la morale qu’Italo Calvino sert dans ce conte, le bien est-il aussi charitable que l’on veut bien le croire ?

« J’étais entier, et toutes les choses étaient, pour moi, naturelles et confuses, stupides comme l’air ; je croyais tout voir et ne voyais que l’écorce. Si jamais tu deviens la moitié de toi-même et je te le souhaite, enfant, tu comprendras des choses qui dépassent l’intelligence courante des cerveaux entiers. Tu auras perdu la moitié de toi et du monde, mais ton autre moitié sera mille fois plus profonde et plus précieuse. »

Le vicomte pourfendu est un beau conte philosophique qui interroge sur la complétude de l’Homme, la part entre le Bien et le Mal en toute chose, la nécessité de toujours contrebalancer l’un et l’autre. Une belle morale servit par une histoire à laquelle il est nécessaire de croire afin de savourer le récit. Or…il faut d’emblée croire à ce vicomte coupé en deux et rapiécé sur le champ de bataille. Sans cette croyance la magie du conte n’opère pas. Ainsi n’ai je pas été transportée par ce récit car ma part – pourtant congrue – de syndrome de Peter Pan n’était pas toujours au rendez-vous. Il me semble que ces quelques 130 pages doivent être lues d’une seule traite pour ne pas perdre la magie du conte et la morale de la fable. 

Le petit plus que j’ai apprécié : les « signes » envoyés par Médard au médecin Italo Calvino imagine notamment disposer des escargots dans le jardin d’une femme au coeur fragile « c’était le signe que la maladie de coeur de la pauvre vieille s’était aggravée et que le docteur devait entrer doucement pour ne pas lui faire peur« .

Avez-vous lu Calvino ? Quelle morale avez-vous retenue ? 

Italo Calvino – Le vicomte pourfendu – Folio – 2002/1955 pour la première édition. Il s’agit du premier opus de la trilogie Nos ancêtres.

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